Nez à nez

On a rencontré pour vous le français Barnabé Fillion, parfumeur atypique loin des canons du genre et créateur (entre autres) du premier jus griffé The Broken Arm, cette fameuse boutique parisienne dont tout le monde parle…

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On nous a dit que tu vivais à Tanger. C’est toujours le cas ?

Non je ne vis plus à Tanger. Après avoir fini la construction d’une maison dans la campagne proche de Tanger et avoir terminé mon jardin de parfumerie, j’ai eu l’impression d’avoir achevé mon idéal là-bas. La maison a été vendue depuis, je n’y retourne que très peu. Je suis marié avec une designer mexicaine, je suis donc plutôt concentré vers cet horizon là…

Tes parfums sont tous 100 % bio ?

J’ai commencé en faisant des parfums 100% bio et je continue d’avoir une ligne dans cette direction mais cela représente finalement que très peu de projets que je développe. Je travaille toujours avec cette idée d’innovation dans la tradition – je pense que le bio en fait partie – mais je travaille aussi avec beaucoup de matières premières rares, en très petite quantité, fabriquées par des procédés nouveaux et plutôt technologiques. C’est le cas des extractions à partir de gaz qui permettent d’obtenir une vraie nouvelle palette pour formuler.

Tu proposes des parfums réalisés sur-mesure. Comment ça se passe ?

Le sur-mesure c’est un peu “the most delighting (= délectant) experience” ! C’est une vraie rencontre avec une personnalité mais aussi un rendez-vous avec la réalité, le rêve de la parfumerie et la poésie des matières premières. La clientèle est souvent passionnée de parfumerie, c’est donc un vrai dialogue qui prend place pour la création d’une signature olfactive. Il faut ensuite 3 à 6 mois pour que le jus soit développé (avec une à deux rencontres mensuelles).

Tu as un parcours assez atypique (mannequin à tes heures perdues, photographe, étudiant naturopathe etc)… est-ce que c’est ce qui fait ta force, selon toi ?

Effectivement, je pense que le fait d’avoir été investit dans plusieurs domaines me permet de développer des projets de parfumerie d’une manière très différente, empruntant des références et des sensations qui me viennent de divers horizons plutôt que du monde de la parfumerie uniquement.

Quel est ton avis sur la parfumerie classique ?

Je pense que l’impact des équipes marketing est souvent terrible et qu’on a tendance,un peu trop souvent, à sentir des choses qui se ressemblent toutes. Il y a très peu de vraies prises de risque. C’est un business qui fonctionne tellement bien qu’il est difficile de faire changer les choses de manière empirique. Il y a des génies dans tous les projets à qui l’on donne que trop peu souvent, hélas, une vraie carte blanche créative. En fait, la parfumerie classique m’ennuie très souvent. J’aime les vraies positions, les vrais engagements comme Serge Lutens par exemple, qui est pour moi un mentor. C’est le père de ce qu’on appelle maintenant “la parfumerie de niche”.

Quelles sont les odeurs que tu aimes ?

Le copal (une résine proche de l’ambre), la sauge, les notes fumées comme le tabac, le jasmin sambac (venue de l’Asie du sud), les facettes presque animales des fleurs Brugmansia Tiara ou Datura, le cuir, les différentes senteurs du whisky, les odeurs “transparentes”, la feuille de figuier, les fèves de cacao, l’iode ou encore les odeurs minérales (une vraie passion !).

Et pour finir, quels sont tes projets ?

Reconstituer un jardin de parfumerie au Mexique, dans notre maison proche du Bélize. Je serais aussi, cette année, beaucoup à Kyoto où je travaille avec différents maîtres artisans pour créer des objets en dialogue avec le parfum pour mon projet “The Peddler“. Je présenterais une partie du projet à Art Paris, fin mars, au Grand Palais. Je travaille enfin au développement d’une ligne de 6 parfums inspirés par l’alchimie et sur des projets avec les marques Aesop et Opening Ceremony.

www.barnabefillion.com